lundi 23 juin 2008

Afrobeat Nirvana (Vampisoul - 2008)

Jusqu'à présent spécialisé dans l'exhumation de pépites soul, funk et latine (on lui doit notamment une première vague de réédition d'albums du mythique label new-yorkais Fania), l'excellent label espagnol Vampisoul se lance dans l'exploration de l'Afrobeat via une petite dizaine de sorties (rééditions d'albums et compilations), dont Afrobeat Nirvana constitue une avant-goût et un rapide résumé. Outre les classiques et quand même très compilés Fela (dont Vampisoul explore la gènèse dans les 60's) et Tony Allen (impeccable sur Progress et Afro-Disco Beat), Vampisoul se prépare aussi à consacrer aussi le talent d'artistes moins illustres mais non moins talentueux (Opotopo, Orlando Julius, Godwin Omobuwa). Loin de compiler uniquement de longs et hypnotiques jams instrumentaux, qui sont quand même la marque de fabrique de l'afrobeat, Afrobeat Nirvana explore tous les recoins de ce chaudron musical que fût le Nigéria de la fin des années 50 aux années 80. Jazz, Highlife, Funk, Soul, musiques latines, R&B mutent, se mêtissent d'instruments traditionnels africains, s'emmêlent, s'enrichissent au contact de musiciens dont l'absence de moyens ne parvient heureusement pas à limiter le débordement d'inventivité et d'énergie. La succession ininterrompue de dictateurs sanguinaires et de guerres civiles qui ont ensanglantés cet immense territoire d'Afrique de l'Ouest depuis son indépendance en 1960, semblent même n'être jamais parvenus à entamer la formidable liberté de musiciens, dotés à la fois du pétrole ET des idées.
Q Magazine wrote "these furiously funky tracks will be a revelation" and they're not wrong.

Tony Allen With Africa 70 - Afro-Disco Beat

dimanche 15 juin 2008

Le Syndicat du Crime (A Better Tomorrow) - La Trilogie (John Woo/Tsui Hark - HK Video - 2008)

Des trois Syndicat Du Crime (A Better Tomorrow en anglais), je retiens avant tout trois scènes, complètement jouissives :

- Mark (Chow Yun Fat) s'allumant un cigarette avec un faux billet de 100 dollars au début du 1, avec un détachement et une coolitude tels que son personnage s'est trouvé aussitôt propulsé au panthéon des films de gangster, entre Scarface et son saladier de coke et la froideur détachée d'Alain Delon dans les films de Melville.

- Le flingage dans le restaurant taïwanais, toujours dans le 1, d'une brutalité et d'une inventivité (les flingues planqués dans les plantes) qui laissent encore pantois vingt ans après;

- L'"heroic bloodshed" à la fin du 2, hommage de John Woo au massacre final de La Horde Sauvage de Peckinpah, avec une petite préférence pour la scène dans laquelle Ti Lung s'empare d'un sabre pour découper quelques bad guys.

Pour le reste...Eh bien disons que ces trois films ont quand même pas mal vieillis et tout ceux qui comme moi attendait cette réédition avec l'impatience d'une pucelle américaine la veille du bal de fin d'année risquent d'être franchement cueillis à froid. La faute à une bande originale très 80's, aussi bonne que celle d'un épisode de Supercopter quand elle ne verse pas dans la canto-pop sirupeuse, d'un scénario tirant souvent trop facilement sur les ficelles du mélo, de scènes d'action bâclées (eh oui), une interprétation parfois approximative (les scènes du 2 situées à New-York sont indignes du talent de John Woo), d'effets de style datés (les contre-plongées grotesques et cheap). C'est d'autant plus rageant que le coffret vendu par HK Video est soigné: qualité impeccable des films, version longue inédite du troisième opus et interview fleuve (sur presque une centaine de pages!!!) et passionante de John Woo dans un livret magnifiquement illustré.
Apprécions donc d'autant plus à leur juste valeur ce qu'il y a de bon dans ces films et laissons tomber le reste:



Pour le fun et parce-qu'il y a des mecs qui n'ont que ça à foutre, la même scène avec le comptage des morts:



A Better Tomorrow 1 & 2 kick ass in three scenes (Chow Yun Fat lighting a cigarette with a bill in part 1, the taiwanese restaurant gunfight in part 1 and the "heroic bloodshed" at the end of part 2) but are desapoitingly corny for the rest.

samedi 14 juin 2008

Ed Rec - Vol III (Ed Banger Records/Because - 2008)

Jusqu'à il y a un mois, tout allait bien pour Ed Banger. Pedro Winter, boss du label, faisait même la une du Monde 2, consécration ultime pour le manager des Daft Punk. Avec Kitsuné et Institubes, son label était le fer de lance de la French Touch 2.0, imposant à nouveau le son français sur tous les dance floors de la planète et faisant de Pedro le king intouchable des branchés et de Paris. Et puis il a fallu un clip pour que tout bascule, celui illustrant le morceau Stress de Justice. Pas franchement plus choc que pas mal de videos de gangsta rap, Stress s'est retrouvé néanmoins au centre d'un débat franco-français bien clivant comme on les aime (en gros il y a les pours et les contres), débordant très vite des blogs et forums pour atterrir dans la presse nationale et sur les grandes chaînes de télé. Avec en sus une plainte bien démago du MRAP pour incitation à la haine raciale. Toujours est-il que ni Ed Banger ni Justice n'ont franchement sû se sortir de ce mauvais pas, visiblement pas franchement armés pour affronter une polémique de cette ampleur. Baignant dans son cocon de hype, de musique et de design, Ed Banger s'est pris la porte du réel en pleine gueule et c'est sûr que ça peut faire mal, surtout quand on considère le niveau global de réflexion intellectuelle actuel dans les médias grands publics en France. La troisième compilation du label, Ed Rec Vol III, était donc pas mal attendue histoire de se recentrer sur les fondamentaux: la musique. On retrouve toutes les caractéristiques du son Ed Banger: les influences 80's (le solo de guitare sur le Over The Top de Mr Flash, beau comme la B.O. d'un épisode de Supercopter), le hip hop (Murs, invité sur To Protect And Entertain de Busy P, les très surprenants DSL qui avec Find Me In The World signent le meilleur morceau de l'album, Uffie bien sûr, égérie du label et son Robot Oeuf qui ne fera néanmoins pas d'omelette), le hard rock (Dog de Sebastian permet de comprendre pourquoi le label se nomme Ed Banger) mais aussi la house filtrée (Minuteman's Pulse d'un Mr Oizo back to the 90's), le disco et on pourrait en citer plein d'autres comme celà. Bref que du bon et la preuve que si Pedro s'est pour une fois pris les pieds dans le tapis de la hype mal contrôlée, il a su préserver ses oreilles des sifflements.
In spite of the controversy surrounding the Stress Justice video, Ed Banger Records artists keep doing what they do the best: kicking ass electro, fused with hip hop, heavy metal, house and disco.

DSL - Find Me In The World

mardi 10 juin 2008

Lil Wayne - That Carter III (Cash Money Records/Universal Motown - 2008)

Lil Wayne est très loin d'avoir le même pédigrée que la plupart de ses confrères du hip hop américain. Au lieu du parcours "classique" (enfance dans une famille mono parentale, embrouilles dans la rue, deal de drogue, prison puis rédemption via le hip hop), Lil Wayne, de son nom de baptême Dwayne Michael Carter Jr a été signé à l'âge de 13 ans par ses patrons actuels, Brian "Baby" Williams et Ronald "Slim" Williams sur Cash Money Records pour jouer les seconds rôles sur la scène rap de la nouvelle Orléans. Son quart-d'heure de gloire semble sonner avec le succès des Hot Boyz, le groupe qu'il forme en 1997 avec Turk, Juvenile et B.G. et qui s'impose très rapidement dans les charts US, faisant de Cash Money le successeur de No Limit et initiant la vague du rap sudiste, dont on attend encore aujourd'hui le reflux. Le groupe explose rapidement après trois albums et la carrière solo de Lil' Wayne ne décolle pas vraiment à la hauteur de ses prétentions, le renvoyant à son rang et statut de second couteau alors que notre jeune homme se rêve de la stature d'un Nas, d'un Jay-Z ou encore d'un Snoop Dogg. Aspirant à rien de moins que le titre de "plus grand rappeur vivant", Lil Wayne se lance alors, consciemment ou pas, dans l'un des plus formidables hold-up du hip hop des années 2000: puisque le monde du hip hop ne veut pas de lui, il va devenir litérallement le monde du hip hop à lui tout seul. En quelques années, avec une force de travail et une constance dans l'inspiration qui force le respect, Lil Wayne a sorti ou est apparu plusieurs centaines de morceaux sous toutes les formes (mixtapes, remixes, albums solo ou avec Baby) saturant litérallement le marché, gagnant une réelle popularité et ses galons de superstar. Tha Carter III était donc attendu comme le messie du renouveau du hip hop. Rien que la photo de bébé sur la pochette est gonflée, plaçant stylistiquement Tha Carter III sur les traces du Ready To Die du Notorious B.I.G. et du Illmatic de Nas. Ne vous attendez pas cependant à la même claque. Tha Carter III est bon album de hip hop mais qui contrairement à ceux d'un autre et illustre Carter, marquera moins l'histoire du hip hop pour ses qualités intrinséques que pour l'incroyable charisme de son auteur. Lil' Wayne est surtout désormais une putain de rockstar, avec un flow particulier et immédiatement reconnaissable comme celui des plus grands et est capable de fulgurances verbales comme peu. Après on lui pardonnera donc le côté ouvertement FM des choeurs sur pas mal de ses morceaux, ne serait-ce que par qu'il sait contrebalancer des duos avec Babyface comme T-Pain avec le conceptuel Dr. Carter, le très efficace Lollipop ou l'infernal A Milli. Bienvenue en première division Lil Wayne. A toi d'y rester.

You probably already know everything about Tha Carter III. So what's the point?


Lil Wayne - A Milli

dimanche 8 juin 2008

Sage Francis @ Villette Sonique, 8 juin 2008, Paris

Après plusieurs jours de météo pourrie, le soleil semble enfin vouloir faire une timide apparition et la température devient plus clémente. Le temps idéal pour aller flâner avec femme et enfants au Parc de la Villette et profiter du festival Villette Sonique. D'autant que Sage Francis est de passage à Paris et que le boss du label Strange Famous Records bénéficie d'une excellente réputation scénique. La première partie est assurée par B. Dolan, gros nounours à la dégaîne de biker (barbe et crâne rasé) pour un rapide show qui fait le grand écart entre hip hop dark d'obédience East Coast et le barnum où vêtu d'une magnifique et seyante combinaison blanche à pattes d'éléphant notre homme tente, entre trois vannes foireuses, de battre son record personnel de saut par dessus d'un ampli de retour. Le public est bon enfant, apprécie et est chaud bouillant pour l'arrivée de Sage Francis, poids lourd, au propre comme au figuré, du hip hop backpacking. L'homme est définitivement un O.R.N.I: un Objet Rapologique Non Identifiable, à mille lieux des clichés hip hop. Farouchement indépendant, plutôt engagé politiquement, fortement ancré dans l'expérimentation, son répertoire se référe autant au hip hop old school, qu'à la house (le sample du Pump Up The Volume de M/A/R/R/S utilisé sur Civil Obedience), la country (Johnny Cash bien sûr, qui semble gagner ces derniers temps ses galons d'OG parmis le milieu hip hop) ou plus classiquement le rock alternatif. Son univers n'est ainsi pas forcément des plus immédiatement accessibles mais a néanmoins le mérite d'être réellement personnel et surtout délaisse le jus de cerveau pour ne pas oublier l'essentiel: un bon morceau de rap n'est rien sans un gros beat qui tue. Malgré une mise en scène pour le moins minimaliste (un lecteur CD pour jouer ses instrus et un micro) et semble-t-il assez handicapé par son poids pour bouger, Sage Francis, loin du minimum syndical de pas mal de poids lourds ricains dès qu'ils traversent l'Atlantique, a su assurer un excellent show d'une bonne heure, prouvant ainsi qu'il est sans doute le meilleur rappeur blanc barbu du circuit.
Sage Francis, accompanied by his Strange Famous Records label mate and showman B. Dolan made an impressive show at Villette Sonique outdoor festival in Paris.

samedi 7 juin 2008

The American Boogie Down - America's Lost Disco, Funk & Boogie (BBE/Past Due/Still Music - 2008)

Créé à Chicago par Jérôme Derradji, Past Due Records s'est donné pour mission de creuser au plus profond des arcanes vynile de la musique afro-américaine pour en exhumer incunables et raretés disco et funk, qui n'ont même jamais parfois dépassé le stade de la démo. The American Boogie Down, assemblée avec la complicité des anglais aux oreilles grandes ouvertes de BBE, en constitue la première manifestation sur CD que je connaisse, dans une version mixée (le premier CD) et en version non mixée (le deuxième CD). Ma préférence va bien sûr au CD non mixé, qui permet de pleinement profiter de la qualité des morceaux réunis. Deux s'en détachent particulièrement. You Are Number One de Devarne, d'abord, une honnête mère de famille dont la carrière ne dépassa jamais le stade de la démo et les limites de son quartier mais qui sur ce 12'', dans un accès de fulgurance, se hisse au niveau des meilleures divas disco de l'époque, entre Diana Ross et Jocelyn Brown. Galaxy, ensuite, de Visions Of Tomorrow, groupe de reprise qui écuma toutes les MJC de l'Alabama mais qui sur Galaxy touche du doigt ce qu'un géant comme Herbie Hancock cherchait aussi à approcher à la même époque: un electro funk instrumental et synthétique, faisant le grand écart entre le jazz et la soul, encore imparable aujourd'hui.

Amazing and rare disco and funk tracks, carefully assembled by Jerome Derradji for his reissue label, Past Due Records.

Visions Of Tomorrow - Galaxy

vendredi 6 juin 2008

Jamaica Soul (Treasure Isle/2008)

Compilation au design minimaliste (format digipack) et aux notes de pochettes pour le moins synthétiques (ce qui est rare dans les rééditions reggae qui rivalisent en général de copieux et splendides livrets avec photos, interviews ou textes exclusifs), Jamaica Soul est dédiée aux racines soul du rocksteady tel que le pratiquait Duke Reid sur son label fondateur du reggae, Treasure Isle. De la magique Phyllis Dillon à Alton Ellis, de Tommy Mc Cook à U Roy, en passant par Dennis Alcapone ou John Holt, Jamaica Soul installe pour moins de 10 euros Kingston dans les les faubourgs de Detroit et de Memphis.

Jamaica Soul is a rocksteady compilation dedicated to the links between Duke Reid's production on Treasure Isle and the soul music that was produced at the same time in Detroit and Memphis.

Phyllis Dillon - Woman Of The Ghetto